Audinot.
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Dans cette lettre, où ledit fleur Abraham D.....appelle la femme du com­parant « Ma chère petite femme », il s'exprime aint! : « Pour t'inftruire de cc qui fe paffera au dehors et apprendre de toi ce qui fe paffera dans ton in­térieur, il faut que tu m'écrives et que je t'écrive. Tous Ies jours je t'indiquerai l'heure où je viendrai et jamais elle ne fera la même, jamais je n'irai feul et fans armes crainte de furprife. Tu me defeendras ta lettre et prendras la mienne au bout d'un ruban.. Surtout que la porte de ton boudoir foit bien fermée ct la clef fur toi, crainte encore de furprife. Je ne refterai pas fous tes fenêtres pour te parler, cela feroit trop imprudent, vu que Ia porte du prince eft au-deffous ct qu'il y a à trembler du tout avec un homme comme ton mari. Tu liras ma lettre, je pafferai de tems en tems, et quand elle fera lue, tu me la rendras. Je les garderai avec le plus grand foin, les dépoferai moi-même comme j'ai déjà fait des autres et nous ferons enchantés un jour dc les re­trouver, etc. »
La fuite de cette lettre contient plufieurs autres détails qui développent le inènie efprit dc féduction et qui annoncent la liaifon la plus intime.
Le mercredi de la femaine fainte de l'année 1782 le comparant ayant été obligé de s'abfenter trois jours de Paris pour aller à Cernai, ledit fleur Abraham D.....profita de cette abfence pour s'introduire dans fa maifon. Le com­parant voudroit fe perfuader que fon époufe en recevant ledit fleur Abraham
D.....cn l'abfencc dudit fleur fon mari ne fît qu'un acte d'indiferétion, mais
la lecture d'une lettre à elle écrite par ledit fleur Abraham D....., le len­demain du retour du comparant, eft capable de faire naître les idées les plus affligeantes pour fa vertu.
En effet, ledit fleur Abraham D.....fe félicite dans cette lettre des vo­luptés délicieufes qu'il a goûtées ct fe plaint dc ce que le retour de fon mari eft venu en interrompre le cours : « II eft de retour », dit cette lettre. « Eft-il bien vrai ? Pourquoi revient-il, fans efpoir dc bonheur, troubler les jours de deux êtres à qui fon abfence procuroit le bien- fuprêmc. Qu'ils fc font vite écoulés ces trois jours quc l'amour lui-même nous a filés. Dès que la nuit fera venue, je vole chez toi et je te donne tous les baifers qu'en atten­dant je dépofe dans ce billet. »
Une autre lettre du 12 octobre 1782, également furprife par le comparant, contient les détails les plus exprefflfs de l'extrême paffion dudit fleur D.... ct les maximes les plus criminelles pour juftifier l'infidélité conjugale.
Le comparant s'étoit procuré plufieurs autres lettres que ledit fleur Abraham avoit écrites à ladite dame et plufieurs brouillons de lettres écrites par fon époufe audit fleur Abraham D....., toutes lefquellcs lettres refpcctivcs s'ac­cordent avec celles dont il vient d'être parlé et qui annoncent une liaifon criminelle, mais ladite dame Audinot eft parvenue à les fouftrairc audit fleur fon mari cn forçant fon fecrétaire dans lequel elles étoient renfermées.
Dans cette fituation, le comparant penfa qu'il n'y avoit quc la retraite dans une maifon religieufe qui pût fouftraire fa femme aux follicitations crimi­nelles dudit fleur Abraham D.....ct la ramener à Pobfervation dc fés devoirs,